Bonjour, je suis Nathalie et comme le nom de cette chronique l’indique, je suis une ancienne obèse. Je vais vous raconter mon parcours parce que nos histoires de vie ont beau être différentes, nos processus restent les mêmes…
Mes tentatives pour perdre du poids…
Petite déjà, ma courbe de poids était au-dessus de la norme, à peine de quelques millimètres puis en grandissant, elle me donnait l’impression de ne pas être « normale ».
Je sais qu’il n’y a pas de normalité en réalité mais plutôt un équilibre poids-taille synonyme de meilleure santé. Les attentes de la société sont en dessous de cette base qui donne lieu à des conditionnements, des jugements, de la culpabilité et parfois même un sentiment d’exclusion.
Avez-vous essayé de négocier avec votre balance pour qu’elle indique un autre chiffre ? J’ai fait plusieurs tentatives infructueuses, avec le plus souvent un résultat contraire.
L’échec est un vrai enseignant. Désormais, j’ai appris que :
– priver son corps de nourriture le met automatiquement en mode survie, il va donc stocker dès qu’il le peut ;
– la frustration rend obsessionnelle faisant ressortir le « goinfre » au fond de Soi ;
– les solutions rapides ne sont jamais efficaces sur le long terme ;
– la nourriture n’est qu’un intermédiaire. Essayer de la contrôler sans avoir réglé le problème en amont est le plus souvent vouée à l’échec.
Ces conclusions m’ont demandé de la pratique, j’y ai laissé quelques plumes et pris beaucoup de kilos.
Le collège a vraiment été un tournant pour moi vis-à-vis de mon poids, vis-à-vis de ma relation avec mon corps, vis-à-vis de mon mal-être en général.
Chez les adolescents, 1 fille sur 5 est au régime, entre 40 et 60% ont déjà fait un régime contre 20 à 30 % des garçons.
Biologiquement, une étude a prouvé qu’à 15 ans l’organisme a besoin de 500 calories en moins par rapport à un enfant de 10 ans (le besoin augmente plus tard) et c’est une période où l’activité physique chute en parallèle ce qui provoque une prise de poids.
Pendant cette période, j’ai mixé dépression et phobie scolaire. Ce mélange m’a plongé dans le monde médical. Il fallait vérifier le biologique avant de diagnostiquer l’esprit.
C’est impressionnant l’état dans lequel se met le corps lorsque l’esprit va mal… La somatisation n’a plus de secret pour moi, comme pour bien d’autre. Un adolescent (11-15 ans) sur quatre est touché par des troubles somatiques réguliers.
Finalement, la conclusion était simple « tout était dans ma tête ».
Techniquement c’était exact mais quand tu le vis, que tu es mal, que tu ne sais pas pourquoi, cette réponse est blessante, culpabilisante et donne l’impression d’être incomprise.
Une dépression chez une patiente de 14 ans n’était pas une pathologie habituelle à l’époque. De plus, je n’étais plus une enfant mais je n’étais pas encore une adulte, il fallait jongler avec toutes ses données et mon extrême sensibilité.
Les recherches montrent que chez les 15-25 ans, les pathologies psychiques les plus fréquentes sont des épisodes dépressifs, d’anxiété et d’abus de substances. 75 % des jeunes en souffrance psychique ne sont pas pris en charge à cause d’une tendance à banaliser certains comportements en mettant cela sur le compte de l’adolescence.
2 situations se sont croisées :
- Pour soigner ma dépression, le cocktail anxiolytiques et antidépresseurs m’a fait grossir ;
- Pour mon poids, j’ai été suivi par plusieurs diététiciens tout au long de mon adolescence et donc, seul le problème en surface était évalué.
Une étude britannique, portée sur douze antidépresseurs couramment utilisés a conclu à un risque de prise de poids accru pour les patients qui se sont fait prescrire ces antidépresseurs, et qui seraient 21% plus susceptible de connaître un épisode de prise de poids.
A ce moment-là, j’ai découvert les extrêmes du monde médical : des médecins et du personnel soignant fabuleux, positifs, à l’écoute…et des inconnus qui m’ont sermonnés, bousculés, dédaignés et soumis à des rééquilibrages alimentaires clés en main.
Le résultat n’a pas été des plus efficaces : je n’aimais pas le ¾ des recettes proposées et me lassais vite de ce qui m’était conseillé ; le problème sous-jacents (comme je l’ai évoqué dans le chapitre 1) n’était pas traité. Mes habitudes alimentaires reprenaient vite le dessus et je me décevais à chaque fois.
Cela m’a amené à l’étape 2 du mal-être.
Là, je mangeais « des saloperies » et je cachais les emballages pour les jeter hors de chez moi n’assumant pas mes compulsions.
J’ai aussi essayé de me faire vomir, n’arrivant pas à m’empêcher de manger et voulant perdre du poids…
Mes difficultés à y arriver m’ont empêché de tomber dans la boulimie.
Les troubles de l’alimentation sont des maladies complexes qui touchent de plus en plus les adolescents. Ils représentent la troisième maladie chronique en importance chez les adolescentes, leur incidence atteignant les 5 %.
J’ai commencé à voir un pédopsychiatre et une psychanalyse pendant cette période troublée. Cela m’a beaucoup aidé pour ma dépression, la priorité du moment, mon poids n’étant pas encore critique.
Au lycée, j’étais à l’internat. J’ai fait brièvement partie d’un groupe pour préparer, en fonction du menu de la cantine, un repas équilibré. C’était sans compter sur le choix qu’il restait lorsqu’on arrivait et le goût que cela pouvait avoir…
J’ai arrêté ce groupe après une remarque qui m’a blessée. Un soir où je n’étais pas bien, j’ai dit à l’infirmière que je ne comprenais pas pourquoi je ne perdais pas de poids malgré mes efforts. Elle m’a répondu « qu’il n’y avait pas de gros dans les camps de concentration ». C’est vrai que cela me remettait face à ma responsabilité mais c’était très violent pour moi à l’époque. Tel un animal meurtri, j’ai laissé tomber.
Ne supportant pas la queue le midi à la cantine où des centaines de personnes se regroupaient et poussaient pour entrer, j’ai commencé par arrêter de manger au déjeuner et je grignotais par ci par là au grès des ouvertures de paquets de biscuits et de bonbons de mes amis.
Il y a de la nourriture partout dans ce genre d’établissement mais rien de sain et d’équilibré.
Quelques années plus tard, adulte, je suis entrée dans un nouveau monde, celui des régimes miracles dans les magazines, sur internet ou dans les livres.
L’expression « régimes pour maigrir » atteint 4 200 000 résultats sur Google.
Et ils étaient vraiment efficaces…pour perdre et reprendre du poids. Dès la première semaine je perdais du poids à tous les coups. J’ai même été jusqu’à quasi 10 kilos avec l’un d’entre eux, ce qui m’a valu une trêve avec ma balance.
Mais ce qui devait arriver arriva. Face à la frustration, à un moment tu lâches et fait un écart, juste un, rien qu’un seul…puis un 2eme…puis un 3eme.
Et là plusieurs phénomènes entrent en jeu :
- Tu es persuadée que quand tu te dis juste 1, tu vas t’y tenir ;
- Tu trouves trop bon ce que tu manges et en même temps tu te culpabilises et t’insultes pour ta lâcheté ;
- Face à ce discours interne et à ton ressenti, à un moment le phénomène de « foutu pour foutu » débarque. Et là comme son nom l’indique, il n’y a plus de raison et tu te lâches complètement sur tout ce qu’il ne faut pas. Le pire étant que tu ne prends plus aucun plaisir dans ce que tu manges, c’est devenu une nécessité, un lot de consolation…
L’effet Yoyo des régimes est connus mais dans ma souffrance, j’ai espéré être une exception, avoir la force mentale pour avoir une expérience différente. Si autant de régimes sortent au printemps, c’était la preuve de leur inefficacité. Sans cela plus personne n’en aurait besoin et ne les ferait…
Mais j’ai persévéré à coup de salades et de pommes…
Résultat, aujourd’hui je me suis réconciliée avec les pommes (avec parcimonie) mais pas encore avec la salade. Lorsque je dois en manger en guise de repas, mon Moi intérieur hurle face à cette punition.
L’univers m’envoie donc des amis qui me font découvrir d’autres vinaigrettes, assortiments…pour découvrir des recettes n’ayant rien à voir avec mon ressenti de l’époque. Mais je ne suis pas encore au stade d’en commander au restaurant !
Pendant toutes ces années, on me parlait bien évidemment de faire du sport…
J’ai eu un vélo d’intérieur (qui a fini cet été à la déchèterie d’ailleurs après avoir passé des années dans le sous-sol de chez ma mère) et tout un attirail d’élastique et autre.
Je n’ai pas vraiment fait d’efforts dans la partie physique, déjà parce que je détestais le sport. J’ai vraiment souffert de mes cours d’EPS au collège (j’ai été dispensé au lycée après divers soucis aux chevilles et aux genoux, youpi) et un simple escalier devient une montagne quand tu es obèse.
J’ai d’ailleurs dû monter 4 étages pour passer les épreuves écrites de BTS pendant 4 jours, j’arrivais en haut essoufflée, rouge écarlate et en sueur. Certains surveillants en distribuant le sujet me regardaient avec un air « vais-je devoir appeler les pompiers ?» qui me faisait baisser les yeux, me sentant honteuse d’être ce que j’étais.
Cette difficulté physique est comprise par plusieurs médecins, c’est pourquoi ils recommandent la piscine !
Alors oui c’est top pour bouger en permettant à ton corps de ne pas porter son poids mais quand tu es très mal dans ta peau, que tu n’acceptes pas ton corps, et cela peu importe ton poids, tu ne veux pas te mettre en maillot de bain devant les autres…
Et les conseils, du genre « mais tu te fous du regard des autres » ne servent à rien. Ou c’est effectivement le cas et tu n’as pas besoin de l’entendre ou ces mots, dit avec une bonne intention, renforce ton impression d’infériorité. Difficile de s’affirmer, lorsque l’on sent au fond de Soi qu’à la moindre remarque, la moindre moquerie, je m’effondrerai comme un vulgaire château de carte.
Nous n’avons pas conscience lorsque nous sommes enfermés dans notre enfer personnel, de la force que nous avons au fond de nous, de tout ce que nous sommes capable de faire lorsqu’on se laisse la chance d’être la personne que nous cachons au fond de nous.
Il faut parfois l’aide de l’extérieur, des regards et paroles bienveillantes pour comprendre que nous vivons dans une illusion, dans notre réalité et qu’il existe un autre chemin, plus coloré, plus joyeux.
Rétroliens/Pings